Le statut général des fonctionnaires fête ses quarante ans : focus sur la loi Le Pors
La loi du 13 juillet 1983 dite Loi Le Pors en référence à son « père fondateur », Anicet Le Pors, Ministre de la Fonction publique de 1981 à 1984, marque un tournant historique pour les fonctionnaires puisqu’elle fixe leurs droits et obligations.
Parfois vilipendée par ses contemporains, et notamment par François Mitterrand himself, la loi vient de souffler ses 40 bougies. L’occasion pour La Doc’ de vous proposer un focus sur cette loi, sinon grande en tout cas marquante, et, par là même, sur la naissance du statut de fonctionnaire.
Avant 1983 : les prémices du statut de fonctionnaire
Si dès l’Ancien Régime des agents sont au service de la monarchie ou employés par des villes, laissant ainsi présager d’un futur statut de fonctionnaire, l’édiction de règles communes à l’ensemble de ce corps de métier ne s’est matérialisée que de façon très progressive et en se concentrant, dans un premier temps en tout cas, sur des points très spécifiques comme celui des pensions de retraite (déjà…) avec des lois en 1853 et 1924, ou du recrutement par concours avec la loi du 28 octobre 1919. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, la réalisation d’une construction d’ensemble des agents de l’État n’a ainsi jamais pu se réaliser.
C’est finalement la Loi du 19 octobre 1946 qui vient créer un premier statut unifié de la fonction publique d’État. Elle bénéficie de circonstances politiques d’après-guerre qui ont contribué à dessiner un contexte favorable : tripartisme, participation des communistes au gouvernement (notamment Maurice Thorez au ministère de la Fonction publique) et l’ambition de démocratiser la fonction publique ont amené au ralliement des syndicats à ce projet.
En regroupant les textes applicables à chacun des corps de fonctionnaires d’État, elle créé un ensemble cohérent et pose les jalons de la structuration actuelle de la fonction publique : classification des fonctionnaires en catégories hiérarchiques, avancement à l’ancienneté pour les échelons et au choix pour les grades, notation des agents, élaboration d’une grille commune de rémunération. Droit syndical et principe d’égalité des sexes est prévu par le législateur, tout comme la création des instruments actuel du paritarisme, en particulier les commissions administratives paritaires et comités techniques paritaires. En retour, les agents ont un devoir d’obéissance hiérarchique et se voient imposer le principe de continuité du service public.
La Loi Le Pors
La loi du 13 juillet 1983 va prolonger la logique d’unification entreprise en 1946. Elle instaure toutefois des nouveautés. Aussi, dans une logique de lutte contre la précarité des agents non-titulaires, dont le recrutement s’était multiplié, elle instaure la règle selon laquelle les emplois permanents doivent être essentiellement tenus par des fonctionnaires.
D’autre part, elle étend le champ d’application du régime général aux fonctionnaires territoriaux. En plus des agents des collectivités territoriales, la loi devient applicable aux agents des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, aux personnels des offices HLM et aux fonctionnaires de la ville de Paris. Le nouveau texte couvre ainsi 4,6 millions de fonctionnaires (soit tout de même 25 % de la population active) contre 2,6 millions auparavant. Les nouveaux concernés peuvent ainsi accéder au système de carrière de la fonction publique et son soumis au recrutement par concours, échappant de fait au recrutement « clientélaire ».
La loi est également motivée par l’idée que les personnels des communes, départements et régions ne se sentirons plus mis de côté. Cette unification, bien que partielle puisque la fonction publique reste scindée entre la fonction d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, permet toutefois d’assurer le même statut à l’ensemble des fonctionnaires garantissant ainsi le principe de parité.
Plus globalement la loi Le Pors fait évoluer le statut du fonctionnaire de sujet à citoyen. Cela se ressent notamment dans les droits et devoirs qu’elle instaure. Ainsi, sur le plan symbolique, la loi Le Pors fait figurer les droits des agents avant leur devoir. Si le droit de se syndiquer et le principe d’égalité des sexes figuraient dans les textes précédents, la loi du 13 juillet 1983 introduit des nouveautés comme la non-discrimination en fonction des opinions syndicales, du sexe et de l’appartenance ethnique, ainsi que la liberté d’expression dans les instances représentative.
Du côté des devoirs on ressent également cette volonté de démocratiser le statut des fonctionnaires. L’obligation de moralité est supprimée, remplacée par l’exigence, plus objective et restrictive, de l’absence de casier judiciaire incompatible avec la fonction exercée. La loi introduit également une exception au devoir d’obéissance, dans le cas d’un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Parmi les rares nouvelles obligations on trouve celle de suivre des actions de formation professionnelle, et celle de satisfaire aux demande d’information des administrés, dans le respect des exigences de secret et de discrétion professionnelle.
Après 1983 : 40 ans d’évolutions
En quarante ans la loi Le Pors a été modifiée plus de cinquante fois, s’adaptant aux gouvernements successifs et à des logiques de société. Par exemple, si elle a consacré le principe de l’occupation des emplois civils permanents par les fonctionnaires, la conjoncture actuelle de l’emploi en a progressivement atténué la portée.
La frise chronologique ci-dessous vous propose donc de revenir sur les événements marquants qui ont émaillé les quarante ans de la loi Le Pors et, par extension, le statut de fonctionnaire.